•  

     

     

    Marcel Carné est un réalisateur français, né le 18 août 1906 à Paris et mort le 31 octobre 1996 à Clamart.

    Marcel Carné naît à Paris dans le quartier des Batignolles (XVIIe arrondissement), d'un père ébéniste. Sa mère meurt alors qu'il a cinq ans et il est alors élevé par sa grand-mère. Il est très vite attiré par le cinéma : il se rend chaque jeudi à une projection de film, puis de plus en plus souvent, trichant quelquefois pour ne pas avoir à payer le prix de sa place.

    Son père souhaite qu'il reprenne sa succession et devienne ébéniste, comme lui. Marcel Carné commence donc des cours pour apprendre à tailler le bois. Il les abandonne ensuite même s'ils ne lui déplaisent pas plus que ça. Il suit à la place deux fois par semaine, en cachette, des cours de photographie à l'école des Arts et Métiers.

    Pour payer ses séances de cinéma qui se font de plus en plus nombreuses, il travaille alors dans une banque, puis une épicerie et dans une compagnie d'assurance.

     

     Afficher l'image d'origine

    Premières expériences cinématographiques

    La première rencontre décisive de sa carrière a lieu en 1928 : il rencontre Françoise Rosay, la femme de Jacques Feyder lors d'un dîner chez des amis communs. À la fin du repas, il obtient de celle-ci qu'elle organise pour lui une rencontre avec Feyder. Carné est alors engagé comme assistant-réalisateur secondaire sur le nouveau film de Feyder, Les Nouveaux Messieurs.

    À la suite de cette première expérience, il part faire son service militaire en Rhénanie.

    Lorsqu'il revient en France, en 1929, la revue Cinémagazine organise un concours de critique de films. Carné en soumet cinq, et reçoit le premier prix. Il est engagé comme critique cinématographique. Il écrit aussi dans les revues Hebdo-Film, Vu, Cinémonde et Film-Sonore.

    En 1929, il décide de réaliser son premier documentaire sous le titre Nogent, Eldorado du dimanche, aidé financièrement par Michel Sanvoisin. Ce court-métrage raconte l'échappée dominicale de la jeunesse parisienne dans les guinguettes des bords de Marne. Charles Peignot le convainc ensuite de tourner des films publicitaires avec Jean Aurenche et

    Paul Grimault.

     

     

    Puis il devient assistant pour la mise en scène de Richard Oswald dans le film Cagliostro 1929, de René Clair dans le film Sous les toits de Paris (1930), de Jacques Feyder pour Le Grand Jeu (1934), Pension Mimosas (1935) et La Kermesse héroïque (1935). Il dit de Feyder : « Je dois à peu près tout à Feyder. II m'a appris ce qu'est un film, depuis sa préparation jusqu'à la mise en scène proprement dite et aussi la direction des acteurs... La meilleure école de cinéma, c'est la pratique. »

     

    Metteur en scène

    En 1936, grâce à l'aide de Feyder, il réussit à réaliser son premier film, Jenny et c'est à cette époque qu'il fait la connaissance de

    Jacques Prévert, le scénariste qui contribue à établir sa réputation. Le tandem Carné-Prévert montre lors de leur premier film, Drôle de drame, une entente remarquable qui ne cesse de se renforcer.

     

    Quai des brumes



    Le Quai Des Brumes (1938) avec Jean Gabin, Michèle Morgan,

    Pierre Brasseur et Michel Simon (rien que ça !)


    "Au Havre, Jean, un déserteur, cherche à se cacher avant de pouvoir quitter le pays. Grâce à un clochard, il trouve refuge dans une baraque du port où il fait la connaissance d'un peintre singulier et de Nelly. Il tombe amoureux de la belle jeune femme, orpheline, qui est sous la coupe du misérable Zabel…"

    Servi par une incroyable atmosphère, à mi-chemin entre L'Expressionnisme Allemand des années 20 et le Film Noir Américain des années 40, Le Quai Des Brumes est indéniablement un classique du cinéma français. Sorti à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, le film de Marcel Carné (d'après le roman de Pierre Mac Orlan avec des dialogues de Jacques Prévert, des décors d'Alexandre Trauner et une lumière d'Eugen Schüfftan) sera, malgré la censure (en amont et en aval du tournage) un succès à la fois critique et public. Sans oublier que c'est dans Le Quai Des Brumes que l'on retrouve une des plus célèbres répliques du cinéma : "T'as d'beaux yeux tu sais ".

    Les enfants du Paradis



    Les Enfants Du Paradis (1943) avec Arletty, Jean-louis Barrault, Pierre Brasseur, Marcel Herrand, Maria Casares

     


    " Fin des années 1828. Sur le boulevard du Temple à Paris, alias boulevard du Crime, parmi les acteurs et les bateleurs, l’amour et la mort jouent la comédie. C’est d’ici que part la ronde capricieuse du destin qui contrarie toujours l’amour de la belle Garance et du mime Debureau. Autour d’eux, d’autres destins se jouent : celui de Nathalie, amoureuse de Debureau, et de Frédérick, amoureux de Garance…"

     



    Classique par excellence, Les Enfants Du Paradis est considéré par beaucoup comme un des plus beaux films du monde. Sur les magnifiques dialogues de Jacques Prévert, tourné dans des conditions difficiles pendant l'Occupation (le décorateur Alexandre Trauner et le compositeur Joseph Kosma, juifs, travailleront d'ailleurs dans la clandestinité), le long-métrage (de plus de trois heures) de Marcel Carné a également bénéficié d'une très belle restauration.

     

    Afficher l'image d'origine

     

    Le Quai des brumes, tourné en 1938, marque un résultat important dans leur collaboration. Le film remporte un grand succès grâce à l'habileté de Carné dans la représentation des extérieurs et la direction des acteurs et au grand talent de Prévert qui réussit à amalgamer quelques-uns des thèmes du surréalisme tardif, typiques de sa poésie, avec une atmosphère inquiète à laquelle on doit certainement le charme du film.

     

    En 1938, suivent Hôtel du Nord et en 1939, le remarquable Le jour se lève où il raconte l'histoire d'un ouvrier qui, au moment où il va être arrêté par la police dans sa chambre, revit les instants qui l'ont amené à tuer par amour et, quand le soleil se lève, se suicide d'une balle.

    Dans ce film très engagé, la figure de l'ouvrier, que le Front populaire montre comme protagoniste social, devient un des thèmes de Prévert, qui interprète la réalité en termes métaphysiques suivant lesquels c'est le destin qui trace les événements de la vie, une figure socialement abstraite et anonyme.

     Afficher l'image d'origine

    Cette forme de fatalisme existentiel marquera la fin des espoirs du premier Front populaire et ce n'est pas un hasard si cette année-là sort aussi le film dramatique de Jean Renoir, La Règle du jeu.

    Suit en 1942, Les Visiteurs du soir, légende médiévale à la recherche formelle poussée (bien que le réalisateur ait été peu satisfait des costumes).

     
     
     

    Afficher l'image d'origine

     
    Marcel Carné, assis, en compagnie de Roland Lesaffre avec lequel il entretint une relation sentimentale.
     
     Afficher l'image d'origine

    Lorsque Paris est libéré, Carné et Prévert présentent leur chef-d'œuvre, Les Enfants du paradis, situé dans le Paris du XIXe siècle, sur

    le Boulevard du Crime, autour d'un mime fameux, Jean-Gaspard Deburau, et d'un grand acteur, Frédérick Lemaître, du début de leurs carrières jusqu'à la célébrité et de l'amour qu'ils ont tous deux pour la belle Garance.

     Au-delà de ces ressorties, vous aurez du mal à passer à côté de la remarquable exposition consacrée aux Enfants du Paradis à la La Cinémathèque Française.

    Exposition les enfants du paradis

    Le film fascine par son sens du récit, par l'adresse avec laquelle sont présentés figures et événements, par le soin apporté au cadrage et à la photographie et surtout par la prouesse des acteurs, de Jean-Louis Barrault à Pierre Brasseur, d'Arletty à Maria Casarès, de Marcel Herrand à Gaston Modot. L'année suivante, Carné et Prévert enchaînent avec Les Portes de la nuit.

     

     Afficher l'image d'origine

    Par la suite, Carné produit des œuvres moins importantes, mais de qualité, comme Juliette ou la clé des songes (1950), Thérèse Raquin (1953), Les Tricheurs (1958), Trois chambres à Manhattan (1965), Les Jeunes Loups (1968) et Les Assassins de l'ordre (1971).

     

    Homosexuel lui-même, mais de manière non publique, Marcel Carné traita dans plusieurs de ses films, de manière secondaire ou parfois oblique, de thèmes homosexuels :

     

    les relations ambiguës entre Jean Gabin et Roland Lesaffre dans

    L'Air de Paris, le personnage de Laurent Terzieff, qui se fait entretenir par des personnes des deux sexes dans Les Tricheurs, le gigolo bisexuel des Jeunes Loups. Il déclarait à ce sujet : « Je n'ai peut-être jamais tourné d'histoire d'amour entre hommes, mais ça a été souvent sous-jacent. [...]

     

    Mais d'histoires entre homos, non. Je me suis souvent posé la question : est-ce que c'est un manque d'audace ?

    Les films homosexuels ne font pas beaucoup d'entrées, c'est un circuit restreint, et je n'aimerais pas avoir un insuccès dans ce domaine, d'autant que je n'aimerais filmer alors qu'une grande histoire d'amour.

    Mais je crois surtout que j'aime mieux les choses qu'on devine. »

     

     

     
     
     
     
     

    Marcel Carné meurt à Paris le 31 octobre 1996.

    Il est enterré au cimetière Saint-Vincent dans le 18e arrondissement de Paris, au pied de la butte Montmartre.

    ( Tombe de Marcel Carné et Roland Lesaffre

    au cimetière Saint-Vincent )

     

     

     

    Polémiques

    Dès sa sortie, le film Le Quai des brumes est l'objet de nombreuses polémiques. Jean Renoir le baptise Le Cul des brèmes et insinue que c'est un film fasciste.

    À l'inverse, Lucien Rebatet, journaliste et critique collaborationniste, décrit ainsi Marcel Carné dans Les Tribus du cinéma et du théâtre publié en 1941 : « Marcel Carné est aryen, mais il a été imprégné de toutes les influences juives. Il n'a dû ses succès qu'à des juifs et a été choyé sous leur étiquette. Carné, qui ne manque pas de dons, a été le type du talent enjuivé. Il a été, en France, le représentant de cet esthétisme marxiste qui est partout un des fruits de la prolifération des Juifs....

     

     

    Ses héros sont des médiocres assassins, des candidats au suicide, des souteneurs, des entremetteuses... Dans l'immense diffusion du cinéma, ces produits spécifiques du judaïsme ont joué un rôle de dissolvant social et contribué à l'avilissement des esprits et des caractères ». À la sortie des Visiteurs du soir en 1943, Rebatet s'est fait photographier entre Arletty et Marcel Carné.

     

     

     

    Filmographie

    Distinctions

    • Lion d'argent de la meilleure réalisation à la Mostra de Venise pour Thérèse Raquin (1953)
    • Lion d'or récompensant l'ensemble de sa carrière à la Mostra de Venise, partagé avec John Ford et Ingmar Bergman (1971)
    • European Film Award d'honneur : Life Achievement (1995)

     

    • Praemium Imperiale (1989)

    À propos du duo Carné/Prevert

    Marcel Carné et Jacques Prévert ont fait de nombreux films ensemble : le premier comme metteur en scène, le second comme dialoguiste et scénariste. Ces films ont été les plus grands succès de la carrière de Carné. Beaucoup se sont interrogés sur la paternité à attribuer à chacun sur ces projets.

    Dans son portfolio consacré à Jacques Prévert pour l'ADPF, Danièle Gasiglia-Laster écrit : « On a parfois décrété que les images raffinées et esthétisantes de Carné s'accordaient mal avec le style direct et populaire des dialogues de Prévert. C'était méconnaître la richesse et la variété de ce style qui allie humour et poésie, onirisme et notations réalistes, lyrisme et fantaisie, qui donne l'impression d'être immédiat et spontané mais résulte d'un travail minutieux. Georges Sadoul a parlé de « réalisme poétique » en évoquant l'association Prévert-Carné, Pierre Mac Orlan dira « fantastique social ».

     

    Ces désignations reflètent bien la dualité de ces films, où des personnages issus de milieux modestes évoluent dans les décors inquiétants et splendides d'Alexandre Trauner, portés par la musique de Maurice Jaubert ou de Joseph Kosma ». Selon D. Gasiglia-Laster, l'opposition que l'on fait habituellement entre Carné et Prévert résulte donc d'une insuffisante prise en considération de la démarche artistique de Prévert et de ce qui, chez lui, n'est pas réductible au jaillissement d'un burlesque incontrôlé.

    Carole Aurouet en revient à l'opposition mais lui trouve des avantages dans Prévert, portrait d'une vie : « Prévert et Carné ont incontestablement des caractères contraires. C’est d’ailleurs probablement leur opposition qui permit leur complémentarité dans le travail et qui fit leur succès. »

     

    D'après Raymond Bussières, « Carné “encadrait” bien le délire de Jacques », « leur œuvre commune [étant] faite de leur perpétuel conflit ». Selon lui, « les deux hommes sont aussi différents que possible, et chacun apportait à l’autre ce qu’il n’avait pas. Carné est aussi froid que Jacques est délirant » (à Marcel Oms). Il ne pense pas qu’il y ait existé une profonde amitié entre les deux hommes mais plutôt une sorte d’attachement assez difficile à cerner de l’extérieur. Arletty qualifie quant à elle Carné de « Karajan du septième art » qui « dirige par cœur la partition qui lui est confiée, en grand chef » (La Défense).

     

    Si Prévert ne se livre pas sur le sujet, Carné précise en 1946 à Jean Queval dans L'Écran français du 29 mai : « Sur le plateau, je ne change pas un mot et je veille au respect absolu de son texte par les acteurs. Il arrive que je sois contraint de couper : je ne le fais jamais sans son accord ». En 1965, lorsque Robert Chazal lui demande d’évoquer à nouveau sa collaboration avec Prévert, le cinéaste répond :

    « On a tellement dit de choses inexactes à ce sujet… Ceux qui veulent m’être désagréables disent que, sans Prévert, je n’aurais pas fait les films que l’on connaît. D’autres disent la même chose à propos de Prévert. En fait, notre rencontre a été bénéfique, mais il aurait été néfaste pour l’un comme pour l’autre d’éterniser une collaboration qui ne s’imposait plus. Nous avions évolué chacun de notre côté.

     

    Il faut pour collaborer comme nous l’avons fait, Prévert et moi, une identité de vue et de réaction qui ne peut être un phénomène de très longue durée. […] Beaucoup de journalistes chercheront à savoir quelle part revenait à chacun d’entre nous dans la confection d’un film. Nous-mêmes n’aurions pas su très bien le dire. Sauf les dialogues que Prévert rédigeait seul et que j’ai rarement modifiés, la rédaction du scénario, le choix des acteurs, étaient un peu un travail en commun, où l’importance de la part de l’un et de l’autre variait suivant le film. Notre collaboration cependant s’arrêtait à la remise du script définitif, Prévert me laissant absolument libre de réaliser le film comme je l’entendais… […] J’avais peut-être un certain équilibre inné de la longueur des scènes et de la construction. »

     

     

     

     

     

    Partager via Gmail Delicious Pin It

    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique