Par Marie-Dominique Lelièvre
Pour ouvrir notre série sur ces couples mythiques qui ont défrayé la chronique, voici l’histoire de l’homme aux mille vies et au double Goncourt, marié à l’icône Nouvelle Vague d’À bout de souffle. Amour, génie, scandale, suicide… L‘écrivain Marie-Dominique Lelièvre (1) mène l’enquête.
Introduction
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Le 2 décembre 1980, à 16 h 30, Romain Gary s’allongea sur son lit avant de se tirer une balle dans la bouche. Au pied du lit, il laissait une lettre à son éditeur : « Aucun rapport avec Jean Seberg. Les fervents du cœur brisé sont priés de s’adresser ailleurs. » L’arme, un revolver Smith & Wesson de type 38 spécial, Gary l’avait achetée avant de rencontrer Jean Seberg. Quinze mois auparavant, celle-ci avait été trouvée morte à l’arrière de sa voiture, roulée dans une couverture.
Dans sa main, un mot d’adieu non daté adressé à son fils.
L’enquête n’a jamais établi qu’elle s’était donné la mort, mais quelques semaines auparavant, un homme l’avait retenue alors qu’elle allait se jeter sous une rame de métro. Rien ne prédisposait ces deux outcasts à une rencontre :
lui, le Juif de Lituanie, né en 1914, veuf d’une mère adorante, et elle, la petite Américaine puritaine du Middle West, née en 1938. Rien, sinon une grande solitude, la mauvaise solitude, celle qui vous écrase au lieu de vous aider à respirer, comme disait Gary.
Ils se rencontrèrent en décembre 1959, à Los Angeles. Elle fut reçue à la table de Gary, consul de France, accompagnée de son jeune époux, un avocat français.
Dans son visage d’une finesse extrême, deux yeux immenses et sérieux prenaient toute la place, et ces yeux ne quittaient pas Romain.
Ce soir-là, Gary fit une chose étrange : il demanda à l’époux d’ôter ses chaussures afin de les essayer sous prétexte qu’elles étaient à son goût. Il restitua les souliers, garda l’épouse.
« Jean Seberg, on ne pouvait que l’aimer »
dit Bob Willoughby, le grand photographe de plateau.
En 1956, une collégienne du Middle West, Jean Seberg, participa à un concours pour devenir star de cinéma ; 18 000 gamines se manifestèrent, rêvant d’être la Jeanne d’Arc du prochain film d’Otto Preminger.
Bob la rencontra au moment de la finale. Touché par l’isolement de la gamine, il l’invita à déjeuner. Elle accepta avec un sourire plein de gratitude.
Lorsque des artichauts surgirent sur la table, elle les regarda sans y toucher, puis avoua qu’elle n’en avait jamais vu. Bouleversé, Bob fut conquis à jamais.
« Elle était une petite fille effrayée de 17 ans. » Bob, qui a eu quatre enfants qu’il a élevés loin de Hollywood, sait que
« le cinéma n’est pas un beau monde.
Il prend tout. » Surtout aux femmes.
Il possède des documents exceptionnels puisqu’il a été le photographe de Sainte Jeanne et de Bonjour tristesse, d’Otto Preminger, odieux avec la jeune actrice inexpérimentée.
Bob dit n’avoir jamais vu un pareil courage.
La métamorphose
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Lorsqu’elle rencontre Gary, Jean vient d’achever À bout de souffle, le film de Godard qui va lui apporter la gloire.
D’un extrême puritanisme, elle a refusé de se déshabiller, même sous les draps. Elle a quitté son jeune mari pour vivre avec Gary dans une suite au Lutetia.
L’innocence et la vulnérabilité de la jeune femme émeuvent Gary en même temps qu’elles l’effraient.
Parce qu’il la regarde comme une enfant, il pense pouvoir l’aider. Après quelques semaines de vie commune, Romain confie à un ami que Jean a un appétit sexuel qu’il peine à satisfaire. Le film de Godard, sorti au printemps, fait un carton aux États-Unis. En quelques semaines, Jean devient un modèle dont on imite la coupe de cheveux courte, le jean skinny et le T-shirt « Herald Tribune ».
2 juillet 1960 : la télévision française réalise une interview de Jean Seberg. L’étudiante un brin trapue d’À bout de souffle a cédé la place à une belle jeune femme qui capte la lumière. Une journaliste la torture avec des questions cruelles, forçant l’intimité de la jeune femme.
Sourire très doux de celle qui fait face : une femme de poche, 1,56 m, acculée contre un rocher, mais protégée par une folle douceur, qui esquive les flèches avec une gravité lumineuse. Comme une ampoule d’opaline éclairée de l’intérieur, Seberg irradie.
La cruauté, elle, n’a pas de visage et s’acharne : « Et vous n’avez pas consulté un psychanalyste ? » Le cou est fragile, le regard un peu fixe, solennel. La grâce de Seberg renvoie son interlocutrice à sa vulgarité voyeuse. Rien n’entame la dignité de la jeune femme adorable. En regardant ces archives, on pense à ce bel adjectif : brave. Jean Seberg est brave. Courageuse. Vaillante. Romain Gary était bon, Jean Seberg était brave. Tous deux étaient rares.
En attendant, sept ans de bonheur conservés entre les lignes de S. ou l’Espérance de vie (1), le beau livre écrit par leur fils Diego, né en 1963. Le couple s’installe dans un vaste appartement, au 108, rue du Bac, là où Gary se donnera la mort bien plus tard. Devenue aussi chic qu’une Parisienne, Jean s’habille chez les grands couturiers et roule en Chevrolet Camaro verte ou en Austin Princesse.
Gary, lui, conduit une berline Jaguar bleue, avec tableau de bord en bois et sièges de cuir. Sa garde-robe est théâtrale : ponchos boliviens, costumes made to mesure à Savile Row, de lin blanc commandés à Macao, treillis militaires à la Castro, peignoirs, cravates par centaines.
Une collection d’accoutrements qui habillent un moi volontiers mystificateur. Romain Gary a été élevé par sa mère, qui, bien avant l’adolescence, avait tracé son destin : il serait pilote, diplomate et grand écrivain.
Il s’efforça de ne pas lui donner tort. Qu’il combatte dans les Forces françaises libres du général de Gaulle ou qu’il devienne un grand écrivain, il y a en lui un enfant cabot qui fait son intéressant : il ne s’est jamais guéri de sa mère.
Le déclin
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L’appartement a été rénové par un décorateur en vogue, les lampadaires et les bibliothèques en bronze sont de Diego Giacometti. Cinq personnes sont à leur service, à celui de leur fils, de huit chats et d’un toucan. Jean et Romain dînent à la Maison-Blanche, en tête à tête avec Jackie Kennedy et JFK, qui a vu et a aimé À bout de souffle. Le petit Diego est élevé par la gouvernante Eugénie, qu’il appelle maman. Tous passent plusieurs mois par an à Puerto Andraitx, où Romain Gary a fait construire une maison.
Seberg embellit encore. Elle se cultive à l’École du Louvre. En 1967, Romain Gary tourne le magnifique Les Oiseaux vont mourir au Pérou. L’héroïne, une jeune femme nymphomane et frigide, est interprétée par Jean. D’elle et de ses tourments érotiques, il ne filme que le visage convulsé par la souffrance.
« On la considérait comme une nymphomane, elle faisait don de sa personne, de sa beauté, de son corps après avoir déjà donné tout le reste, elle partageait pour ainsi dire démocratiquement », écrit son fils. Entre les exigences d’une âme puritaine et ses pulsions, Seberg est déchirée.
Le temps se gâte. Naïve et idéaliste comme beaucoup d’acteurs radicaux chic de l’époque (Jane Fonda, Candice Bergen), Jean Seberg lutte pour les droits civiques, contre le racisme, l’OAS et les généraux fascistes.
Elle porte un sweat-shirt « Che Guevara ».
Lorsqu’elle décide d’aider activement les Black Panthers, elle fait les mauvaises rencontres et tombe amoureuse d’un activiste psychotique qui a commis un meurtre. En 1968, Romain Gary, imitant Pouchkine, son écrivain préféré, provoque en duel Clint Eastwood, avec lequel Jean a une idylle sur le tournage d’un western.
Volontiers théâtral, Romain surjoue son personnage. Diego, venu rejoindre sa mère pour les vacances, se souvient que son père donne une conférence de presse sur le tournage pour annoncer qu’il divorce. Gary rentre en France avec Jean, mais l’appartement de la rue du Bac est coupé en deux. Dans une aile, Romain travaille et vit. Jean partage l’autre avec son fils et la gouvernante, même après leur divorce aux torts réciproques en 1970.
La calomnie
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Dans un aérogramme du FBI, daté du 5 juin 1970, à l’en-tête explicite – Directeur du FBI, Programme de contre-espionnage, Groupe de Haine des nationalistes noirs, Service des renseignements raciaux, Black Panthers Party –, on peut lire : « La permission du bureau est sollicitée pour la publication du fait que Jean Seberg, actrice de cinéma bien connue, est enceinte de –––. Ceci serait effectué en fournissant la nouvelle aux journalistes des potins mondains de la région de Los Angeles. Il nous semble qu’une éventuelle publication des difficultés de Mlle Seberg pourrait lui causer un certain embarras et servir à diminuer son image vis-à-vis du public… »
Par une écoute téléphonique, le FBI a appris que Jean, enceinte, désire mener sa grossesse à terme. Non pas d’un militant noir des Blacks Panthers, comme l’affirmera le Los Angeles Times informé par le FBI, mais d’un amant mexicain de passage. Romain propose de reconnaître l’enfant. À ses yeux, mère et enfant sont sacrés, et les hommes leur doivent aide et protection. Après une tentative de suicide, Jean accouche d’une petite fille mort-née.
Romain Gary publie dans France-Soir une lettre de gentleman :
« Depuis l’âge de 14 ans, cette fille du Middle West soutient le droit des Noirs dans son pays. Alors, il fallait à tout prix expliquer son horreur du racisme par des penchants sexuels.
Il fallait à tout prix prouver qu’une femme blanche qui croit encore au rêve américain de justice et de fraternité, le rêve de Jefferson et de Lincoln, ne s’intéresse en réalité aux Noirs que parce que ceux-ci sont devenus chez les dingues racistes des symboles très attirants du fruit défendu. »
Avant d’ensevelir son bébé à Marshalltown, Jean l’exhibe dans un cercueil de verre pour montrer qu’il est blanc. Son équilibre psychique se lézarde. Elle dialogue avec le réfrigérateur.
LES SUICIDES
« Romain mon amour, (...) Quand tu as réalisé le film, avec si peu d’aide de qui que ce soit autour de toi, c’était en partie dans le but de sauver ma vie. Au sens propre du terme. Personne – et surtout moi – ne pensait que je serais même capable de travailler à nouveau, que je serais à même de trouver les ressources psychiques et la force physique. Et tu savais que c’était une question de survie pour moi de trouver la discipline et la force de travailler à nouveau. » Elle écrit cette lettre après la sortie du film Kill, éreinté par la critique. Pour retenir Jean de glisser dans la folie, Gary a tenté de lui donner une raison de se lever, de s’habiller, de se nourrir.
Le film, un pur navet, est un flop. Gary assiste financièrement la jeune femme, même après son remariage en 1973. Il noue des liaisons multiples avec de très jeunes femmes : il n’aime que les femmes-enfants. Mais il reste attentif à Jean. Lorsqu’elle se sépare de son troisième mari, Gary passe chaque Noël boire avec elle une coupe de champagne.
Après la découverte du corps de Jean Seberg, Romain Gary convoque une conférence de presse chez Gallimard et dénonce la responsabilité du FBI dans la dépression qui l’a conduite à se supprimer.
Il souligne que, par sept fois, elle a tenté de se donner la mort, le plus souvent à la date anniversaire de la disparition de sa petite fille.
Un agent du FBI confirmera :
« Oui, nous l’avons diffamée pour la neutraliser. »
Avant de se donner la mort, Romain se déshabilla entièrement, ne conservant qu’un caleçon et une chemise bleue. Nu dans la mort, lui qui toute sa vie s’était grimé. « Enfin authentique. »
Fils de l’écrivain Romain Gary et de l’actrice Jean Seberg, disparus dans des conditions tragiques, Diego Gary s’exprime dans un livre, à 46 ans, après un silence de trente ans
Il parle avec précision, ses mots sont choisis, mais il offre un air las. Diego Gary confirme les formules terribles de son roman, S. ou l’Espérance de vie (Gallimard), ou, plus exactement, de son récit autobiographique.
Fils de l’écrivain Romain Gary et de l’actrice Jean Seberg, disparus dans des conditions tragiques, il raconte son existence qui «ressemble à une succession de mots rayés jusqu’au sang». Il évoque, sans fin, son rang de «progéniture, de rien du tout», et ces années où il a passé de longues heures prostré dans l’appartement et le bureau de son père.
Adolescent, Diego Gary a connu trois deuils dévastateurs. Il a 14 ans quand survient la mort, des suites d’un cancer, d’Eugénie, sa gouvernante, la femme qui s’occupait de lui au quotidien. Il lui dédie le livre. Il a 16 ans lorsque le submerge, en septembre 1979, le décès de sa mère, Jean Seberg, devenue une figure de la Nouvelle Vague après son interprétation dans A bout de souffle, de Jean-Luc Godard (1960). Elle est retrouvée plusieurs jours après sa disparition, à l’arrière de sa voiture. L’autopsie conclura à une surdose d’alcool et de barbituriques.
Diego vit l’horreur, mais il y était préparé. Depuis de nombreuses années, sa mère souffrait de troubles qui l’avaient conduite dans des établissements psychiatriques. Diego vivait dans la terreur de cet instant. Peu de temps avant le drame, alors que Jean Seberg avait survécu à une tentative de suicide, son père lui avait dit: «Tu sais, Diego, un jour ta mère ne se ratera pas.»
Après les décès d’Eugénie et de Jean Seberg, Romain Gary s’est rapproché de son fils. Il le couvait à sa manière. Myriam Anissimov, qui a publié en 2004 une biographie de l’écrivain (Romain Gary, le caméléon), raconte qu’il tremblait d’inquiétude pour lui. «Un jour, alors que Diego, âgé de 13 ans, avait un simple bleu à un genou, il a tout laissé tomber pour le conduire aux urgences.»
Mais Romain Gary restait dans son univers, celui d’un écrivain reconnu, ombrageux et embarqué dans une mystification littéraire sans égale: la création d’une autre œuvre sous le nom d’Emile Ajar. Cela lui vaudra de recevoir deux fois – ce qui est unique – le Prix Goncourt. Il l’a obtenu en 1956 sous son nom avec Les Racines du ciel, et en 1975, avec La Vie devant soi, sous le nom d’Emile Ajar
«Même quand il était présent, mon père n’était pas là. Obsédé par son travail, il me saluait, mais il était ailleurs», se souvient Diego Gary. Diego était en retrait, il n’était plus l’enfant joyeux qu’il avait été. Mais s’il est une chose à laquelle il ne s’attendait pas, c’est le suicide de son père, d’une balle dans la tête, chez lui, en décembre 1980. «A cet instant, la vie m’est tombée sur la gueule.» Il évoque comment, après coup, il a retrouvé des éléments qui auraient dû l’alerter, comment son père le préparait à être un homme sans pour autant comprendre ce qu’il voulait.
Il se souvient de lui, par exemple, annotant un livre de Julia Kristeva sur la mélancolie: «Oui, moi, c’est exactement cela, comme pour moi», écrivait-il. Il y avait d’autres éléments témoignant de la grande fragilité de son père, longuement décrite entre autres par Myriam Anissimov dans sa biographie.
«Je crois qu’il est indulgent avec sa mère, pas avec son père», estime Antoine Benech, un ami d’enfance. Pour lui, Diego Gary «n’a jamais compris et ne comprendra jamais» que son père ait pensé qu’il pourrait «se débrouiller». Diego quitte alors sa classe d’hypokhâgne. Il reste anéanti par cette ultime disparition. Il lui faudra cinq années pour ne plus habiter dans l’immense appartement de son père, reprendre des études de lettres et une vie normale.
Ensuite, il se perd, comme il le raconte. Entre la recherche compulsive de femmes, les amours malheureuses, l’alcool, les antidépresseurs, il essaie de tenir le coup et combat les troubles obsessionnels qui ruinent sa vie au quotidien. Après avoir travaillé dans une société de production de sitcoms, il joue aux courses, se spécialise au point de parvenir, assure-t-il, à en vivre. Mais, perdu dans ses chagrins, il part s’installer à Barcelone.
Là, il se met plus encore en danger. Aube, l’une des héroïnes du livre, lui dit qu’il s’est détruit, qu’il rejoue la vie de sa mère. «Je n’ai pas l’impression d’être allé aussi loin», dit-il. Il reconnaît que sa dérive a été une manière de se rapprocher de sa mère. Ses errances dans les bouges de Barcelone et le bar à cocktails qu’il y a ouvert, c’est clairement elle. Le café-librairie-galerie qu’il a lancé, en revanche, renvoie plus à son père.
«Je sais que Diego revient de loin, je ne connaissais pas les détails, assure Myriam Anissimov. C’est un très beau livre, d’une grande valeur littéraire. Tout ce qu’il dit n’est pas une recension exacte de ce qui s’est passé, comme pour tout écrivain. Mais c’est sa vérité.» Même ses proches amis, comme Isabelle Sicot, qui le connaît depuis vingt ans, ont été surpris par le désespoir qui émane de son texte. «Diego est quelqu’un de très pudique, de très réservé.» Elle ne lui a jamais posé de questions, lui laissant l’initiative des confidences, même si c’est elle qui, dans une scène du livre, l’accompagne à la clinique où il commence un sevrage d’alcool. «En lisant le livre, j’ai été tétanisée, j’ai pris la mesure de toute sa douleur. J’ai été triste et j’ai eu un sentiment de culpabilité.»
Aujourd’hui, Diego Gary assure ne plus avoir peur de rien, «pas même d’écrire», parce que l’écriture a toujours été essentielle pour lui, même s’il ne publiait rien. Il n’aurait pas cherché à éditer ce livre si Roger Grenier, conseiller littéraire chez Gallimard, ne lui avait pas donné son imprimatur. «Il a créé quelque chose, le vrai sujet, c’est tout simplement comment exister par soi-même, et il y parvient», explique le journaliste et écrivain, qui était un proche de Romain Gary.
Depuis la publication de son livre, Diego Gary a reçu de nombreux témoignages de félicitations et d’encouragements. «Moi, je me dis que je n’aurai réussi que le jour où j’écrirai un véritable livre de fiction.» Il s’est marié en janvier avec une jeune femme, rencontrée il y a quelques années à Barcelone, et attend la naissance d’une petite fille pour le mois d’août. Un vrai changement: il y a encore peu, il se promettait de ne jamais avoir d’enfant parce ce qu’il voulait conserver la possibilité de se suicider. «Là, je vis une révolution copernicienne. Je suis beaucoup mieux dans ma vie.» Il faut imaginer Diego Gary heureux.
sources
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/661a2064-5791-11de-8617-d7d69efee15f%7C2
L’enfant unique de Romain Gary et de Jean Seberg a écrit le roman de sa vie. Une histoire de tragédie et d’espoir, qui a ému Yves Simon.
Le philosophe Gilles Deleuze écrivit un jour : « Il y a des vies où les difficultés touchent au prodige ». Une phrase qui va comme un gant à ce que fut l’étrange et douloureuse existence de Diego Gary. Sa mère, l’actrice Jean Seberg, se donne la mort lorsqu’il a 16 ans. Comme une clandestine assassinée, on la retrouve dans le coffre d’une voiture, l’autopsie révélera une surdose d’alcool et de barbituriques. L’année suivante, c’est le tour de l’écrivain Romain Gary, son père, qui, armé d’un revolver, prend définitivement congé de ses écritures et de son fils. Fin d’adolescence d’une brutalité sans pareille et qui marquera à jamais le jeune homme qui se retrouve orphelin de ce qu’il a de plus cher.
« S. ou l’espérance de vie » est une variation sur les deuils qui nous accablent au cours d’une vie, ceux des parents, des amis, des fiancées, la gouvernante bien-aimée, Eugénie, les absences qui surviennent quand ceux qui vous réchauffaient le cœur deviennent brusquement muets.
Un livre au titre sibyllin où « S » peut se deviner comme la première lettre de suicide, de solitude, ou encore : S comme silence.« Ce n’est pas une vie, c’est une rature. Mon existence ressemble à une succession de mots rayés, biffés jusqu’à la moelle. » Dès la première page, le ton est donné, Diego ne se sent pas à la hauteur de l’ombre que déploie son commandeur de père. Car il faut en abattre des murs, des préventions, des ricanements à qui prétend s’exprimer dans le domaine justement où le célèbre père excella. Diego va attendre trente ans pour que l’impossible se soit dissipé et oser faire ses noces d’écriture avec l’« azertyuiop » de son clavier.
Avec désinvolture, il nous parle des noirceurs qui l'ont accablé
Et le miracle a lieu. Diego Gary se révèle être un écrivain, et des plus grands. Innovant dans le style comme dans la narration, sa grâce instinctive nous livre un roman tragique où le héros se dédouble, tant il craint de parler de lui à la première personne. Durant 170 pages, il louvoie, se cache, puis réapparaît. Mais chaque lecteur sait que c’est de Diego seul dont il s’agit, lui, le fils ressuscité qui peut enfin parler des noirceurs qui l’ont accablé et qu’il dévoile avec la désinvolture de ceux qui ne prétendent à rien.Il y eut le père éblouissant, mais la mère fut, elle aussi, une encombrante légende.
Héroïne du premier film de Godard, « A bout de souffle », égérie de la nouvelle vague avec son tee-shirt blanc, ses cheveux blonds à la garçonne, vendant le « New York Herald Tribune » sur les Champs-Elysées, elle fit battre le cœur au monde entier. Fin tragique à la dernière bobine : penchée auprès d’un Belmondo agonisant sur le pavé de Paris, Jean Seberg demande, avec ce tendre accent qui nous la fit tant aimer : «
C’est quoi, dégueulasse ? »Est-il dégueulasse de parler du passé, de ces morts de sunlight ? se demande Diego Gary.
L’idéal aurait-il été de se taire, d’avoir le courage de garder, au tréfonds de ses tripes, ce qui si longtemps a fait mal ? « Peut-être faudrait-il écrire pour ne rien dire. Se camoufler, dès les premières lueurs de l’aube, derrière une forêt de signes qui parlent d’autre chose. » Disons, pour lui répondre, qu’il a eu mille fois raison de nous faire entrer dans les secrets de son âme, ses mystères, la douleur d’un fils sans épopée, qui ne fut ni star de cinéma ni couronné par deux Goncourt : un fils ordinaire asphyxié, tant par la vie que par la mort de personnages qu’il détestait autant qu’il les admirait, des parents hors du commun qui tutoyaient les étoiles.
A la fois sacrilège et offrande, ce livre lancinant nous rappelle ce que l’on doit aux morts, mais aussi ce qu’ils nous ont volé. Partage inéquitable entre eux et nous qui vivons nimbés de leur souvenir, de leurs défauts, l’intransigeance qu’ils purent avoir, eux qui avaient tout, envers ceux qui n’étaient rien. « Même quand il était présent, mon père n’était pas là. Obsédé par son travail, il me saluait, mais il était ailleurs. » Ecrit par un rescapé qui aurait pu mourir de tant de blessures, condamné à ne jamais exister pour lui-même, ce roman d’un miracle est une radicale et enthousiasmante leçon de vie.
« S. ou l’espérance de vie », d’Alexandre Diego Gary, éd. Gallimard,
Eté 1979: Jean Seberg à bout de souffle
Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo dans "A bout de souffle" de Jean-Luc Godard. | Photo DR
C’était une croqueuse d’hommes et une bagarreuse. Mais il y avait une fêlure en elle. Le 30 août, l’ange blond met fin à ses jours. «Quand je ne me sens pas aimée, je suis comme un bateau sans gouvernail, souvent à la dérive.» Elle a beaucoup changé d’hommes. Après vingt ans de carrière, 37 films, 4 maris, et tant de combats politiques menés à la manière de Don Quichotte, elle a pris sa dernière décision. Une note ignoble du FBI l’avait déjà condamnée : «Non seulement nous mettrons fin à sa carrière mais, en plus, nous convaincrons les Américains que l’unique raison pour laquelle une femme blanche milite pour les Noirs est sexuelle.» Déçue, bafouée, manipulée, désemparée, elle ne peut plus éviter le naufrage. Alors, Jean provoque son destin. Et le seul homme à qui elle pense juste avant de mourir, c’est son fils. Sa dépression est aussi celle d’une époque devenue folle où se sont brûlées les illusions d’une génération.
«Silence les morts, malgré tout le respect que je vous dois. Maintenant, c’est à moi de prendre la parole. Laissez-moi juste en toucher un mot. De toi, d’elle, de moi. Moi surtout avec toute la modestie, toute l’humiliation due à mon rang. Mon rang de progéniture, de rien du tout, de moins que rien. Ni diplomate. Ni aviateur. Ni grand écrivain. Simplement vivant. Désespérément vivant aspirant à vivre enfin après ces années de pénombre.»
L’homme qui a écrit ces lignes au printemps dernier dans un très beau livre, «S. ou l’espérance de vie», s’appelle Alexandre Diego Gary. Il est le fils de deux météores, de deux suicidés célèbres : Romain Gary et Jean Seberg. Il y a tout juste trente ans, la police lui remettait un petit mot signé de sa mère : «Diego, mon fils chéri, pardonne-moi. Je ne pouvais plus vivre. Comprends-moi. Je sais que tu le peux et tu sais que je t’aime. Sois fort. Ta maman qui t’aime.» Cette tragique lettre d’amour, la dernière d’une mère à son fils, a mis près de deux semaines à lui parvenir.
Le corps de Jean Seberg ne fut en effet retrouvé que le 8 septembre, non loin de son domicile, à l’arrière d’une Renault 5 blanche, dissimulé sous un plaid. Onze jours plus tôt, elle avait quitté le 125, rue de Longchamp, nue sous son manteau, avec pour seul bagage une bouteille d’eau, selon les dires de son dernier compagnon qui la terrorisait. Ahmed Hasni était soupçonné par la police de trafic de stupéfiants et Jean Seberg, affolée, alertait tous ses amis, persuadée qu’elle serait malgré elle mêlée à ces agissements louches. Mais l’eau ne fut pas son dernier breuvage. D’après l’autopsie, elle aurait succombé à une ingestion massive d’alcool (8,2 grammes par litre de sang) et de barbituriques.
Elle n’acceptera jamais la mort de sa fille
Ainsi s’acheva la vie de Jean Seberg, née le 13 novembre 1938 à Marshalltown dans l’Iowa et morte le 30 août 1979, à 40 ans, juste après avoir vu le film de Costa-Gavras, «Clair de femme» (avec Yves Montand et Romy Schneider), adapté du livre de son deuxième mari, Romain Gary.
L’écrivain comme son fils jureront que son suicide n’avait aucun rapport avec de film. En fait l’actrice souffrait terriblement lors de chaque fin de mois d’août, et ce depuis 1970. Sa fille Nina était morte le 25 août de cette année-là, deux jours après sa naissance. Le calvaire de Jean Seberg ne faisait que commencer. Depuis plusieurs semaines le FBI tentait de la diffamer.
Têtue comme une mule, et tout autant courageuse, elle avait mis sa notoriété au service des causes politiques qui gênaient beaucoup le gouvernement américain de l’époque : la défense des Amérindiens, humiliés depuis deux siècles, et, plus grave encore aux yeux du patron du FBI, J. Edgar Hoover, celle des Black Panthers, dont la réputation hors des frontières américaines commençait à inquiéter les autorités. Comme elle avait eu une liaison avec le président de l’Organisation de l’unité afro-américaine, Hakim Abdullah Jamal – qui avait abandonné toute sa famille pour venir vivre à Paris avec elle –, le FBI fit croire que le père de l’enfant qu’elle portait était un militant des Black Panthers.
Aux Etats-Unis, cela avait totalement discrédité l’actrice. Or, c’était faux.
Le père de la petite fille était son amant de l’époque, le Mexicain Carlos Navarra. L’enfant avait été prénommée Nina, du nom de la mère de Romain Gary pour qui il écrivit «La promesse de l’aube». Pour Nina, il n’y eut ni promesse ni aube. Tout juste quelques heures d’une courte vie fauchée par la haine et la calomnie. Avec une incroyable énergie, Jean Seberg convoque alors les journalistes qui ne savaient rien de la mort de la petite fille.
Elle va leur présenter le cadavre de Nina, blanche comme l’innocence, et, persuadée que le FBI tient les journalistes comme tant d’autres rouages de la marche du monde (ils sont capables, dit-elle, de jurer sur leur vie que la petite était noire comme du charbon), elle va exposer Nina sous un cercueil de verre pour la cérémonie funèbre.
Inoubliable Jeanne d'Arc
Elle n’acceptera jamais la mort de sa fille, ni la campagne ignoble du FBI et de certains journaux. De ce jour, elle ne cessera de sombrer dans la dépression, l’alcool et les médicaments. Plusieurs fois – presque toujours au mois d’août –, elle tentera de mettre fin à ses jours. La dernière tentative de suicide remontait à 1978, lorsqu’elle se jeta sous une rame de métro, comme tant d’héroïnes fatiguées d’elles-mêmes, face à la vie qui passe avec violence et transporte en sa carlingue d’acier tant d’âmes désespérées.
Le 30 août 1979, ce n’est pas seulement la mère de Nina et d’Alexandre Diego qui s’en est allée pour se reposer enfin, ce n’est pas seulement l’amoureuse qui avait trop besoin des hommes pour se protéger des agressions, c’est aussi Patricia, la petite vendeuse du «New York Herald Tribune» qui séduisit Jean-Paul Belmondo et tant de cinéphiles grâce à Jean-Luc Godard et «A bout de souffle» (1960).
Ce n’est pourtant pas ce film qui la lança... Tout commença sur un bûcher, puisqu’il était dit que Jean Seberg devait finir immolée sur l’autel de la gloire et de la détresse : en 1957, âgée d’à peine 18 ans, elle est remarquée par Otto Preminger qui la choisit au milieu de 18 000 candidates pour incarner Jeanne d’Arc. Ce jour-là, il avait dit à son équipe : «Jeanne vient d’entrer, faites dégager les autres.» Jean fut donc Jeanne mais le film fut un parfait ratage, au point que l’acteur principal, Richard Widmark, n’osera plus sortir de chez lui pendant des semaines.
Otto
Et pas n’importe qui : Romain Kacew à l’état civil, Romain Gary pour tout le monde. Né en Lituanie trois mois avant le début de la Première Guerre mondiale, il est arrivé en France à l’âge de 14 ans. Sa mère tient alors une pension de famille à Nice. Après une licence de droit à Paris, il est incorporé dans l’aviation puis rejoint la France libre à Londres. C’est là qu’il choisit le pseudonyme de Gary («Brûle !» en russe) et que ses états de service lui valent de devenir compagnon de la Libération.
Après la guerre, diplomate, il est envoyé en Bulgarie, en Suisse, à New York, en Bolivie puis à Los Angeles, où ses fonctions de consul général lui permettent de rencontrer tout le quartier de Hollywood. De là date sa rencontre avec Jean Seberg puis le tournage de deux films qui ne laissèrent pas une grande trace dans l’histoire du cinéma : «Les oiseaux vont mourir au Pérou» (1968) et «Kill» (1972). On retiendra surtout de lui une œuvre littéraire foisonnante, des «Racines du ciel» (prix Goncourt 1956) à «La vie devant soi» (prix Goncourt 1975) sous le pseudonyme d’Emile Ajar !
C’est évidemment cette sublime mystification qui fascinera tant de générations. «Je me suis bien amusé. Au revoir et merci», écrira-t-il d’ailleurs dans son dernier livre. Et quand il choisira à son tour de se donner la mort en se tirant une balle dans la tête le 2 décembre 1980, un an après le suicide de son ex-femme – entre-temps elle s’était remariée avec le réalisateur Dennis Berry –, il laissera bien en évidence un mot un peu trop martelé pour qu’on ne soit pas saisi par le doute :
«Aucun rapport avec Jean Seberg. Les fervents du cœur brisé sont priés de s’adresser ailleurs. On peut mettre cela évidemment sur le compte d’une dépression nerveuse. Mais alors il faut admettre que celle-ci dure depuis que j’ai l’âge d’homme et m’aura permis de mener à bien mon œuvre littéraire. Alors, pourquoi ? Peut-être faut-il chercher la réponse dans le titre de mon ouvrage autobiographique “La nuit sera calme” et dans les derniers mots de mon dernier roman : “Car on ne saurait mieux dire”.» Car on ne saurait mieux dire... si, peut-être, en lisant le livre du fils de ces deux suppliciés, ces pages bouleversantes où Alexandre Diego Gary raconte les irruptions fréquentes de sa mère dans sa chambre d’adolescent, à l’aube, avec n’importe qui. Une nuit elle arriva au bras d’une femme : «Tu vois, je me fais draguer par des lesbiennes maintenant. Qu’est-ce que tu en penses ? – J’en pense que c’est l’aube et que j’ai cours dans deux heures, maman. Qu’est-ce que tu veux que j’en pense ?»
Désormais pour Jean Seberg, enfant de l’aube, il n’y eut plus jamais de soleil pour poindre à l’horizon. Cet été-là, Joseph Kessel mourut lui aussi, et John Wayne également. Par millions les Polonais acclamèrent leur nouveau pape qui venait d’être élu, on vota pour la première fois au suffrage universel pour élire des députés européens Bernard Hinault remporta son deuxième Tour de France et Björn Borg son quatrième Wimbledon, le «France» devint «Norway», lord Mountbatten fut assassiné par l’Ira et, trois jours plus tard, un ange blond aux cheveux courts fut fauché par trop de mal de vivre
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Infrarouge : les masques de Gary Romain Gary (ici en 1971), obtint le prix Goncourt en 1956, puis en 1975 sous le pseudonymed'Émile Ajar. Crédits photo : Rue des Archives/© Louis Monier /Rue des Archives
Le documentaire diffusé ce soir sur France 2 brosse un portrait réussi de l'écrivain qui mit fin à ses jours il y a juste trente ans. C'est l'histoire belle et triste d'un petit garçon, Roman Kacew, né à Vilnius en 1914, de parents juifs. La mère est une ex- actrice de théâtre et le père un fourreur qui, très tôt, les quitte pour fonder une autre famille. «Je suis le fils d'un homme qui m'a laissé toute ma vie en état de manque», écrira Gary dans Pseudo. Le réalisateur Philippe Kohly, à travers la belle voix d'Anouk Grinberg, fil rouge du documentaire Romain Gary, le roman du double diffusé ce soir, date de cet instant le sentiment d'abandon et de peur de l'écrivain.Arrivé à Nice, en 1928 avec sa mère, Roman devient Romain. Mina, la mère adorée, mise tout sur son fils. Il sera un roi couvert de la gloire dont elle fut privée: «Tu seras Casanova, Guynemer, d'Annunzio.» C'est elle qui choisit son nom de plume, Gary, qui signifie «Brûle !» en russe. Cet émigré se bat pour sa nouvelle patrie en rejoignant la France libre. Pour sa bravoure en tant que bombardier, il reçoit la médaille de la Résistance. Gary mène ensuite une double carrière de diplomate et d'écrivain.Peur de passer pour un traître En 1956, il obtient le prix Goncourt pour Les Racines du ciel. Ce gaulliste fervent supporte mal son époque. Il fustige le «nouveau roman». La critique lui fait payer en l'ignorant. Alors, il change de style, invente un pseudonyme, Émile Ajar, et le fait incarner par son petit-cousin Paul Pavlowitch. Ça marche. Gros-Câlin (1974) est un succès. Un an plus tard, La Vie devant soi est un triomphe consacré par le Goncourt. Gary jubile.En théorie, aucun auteur n'a le droit de recevoir deux fois le Goncourt. Mais c'est un piège. Ajar entre dans les dictionnaires quand Gary en sort. Il a beau jouer les excentriques, changer souvent de look et de compagnes, il n'est plus qu'une ombre. Son mariage avec l'actrice Jean Seberg est mort. Gary refuse d'avouer qu'il est Ajar. Lui, le héros, le compagnon de la Libération, a peur de passer pour un traître. Il ne peut plus se débarrasser d'Ajar, cette créature qui lui fait de l'ombre et l'étouffe. Ne lui reste plus qu'à disparaître. Le 2 décembre 1980, un an après la mort de Jean Seberg, Gary se tire une balle dans la bouche. Bruno Cortyhttp://www.lefigaro.fr/programmes-tele/2010/12/02/03012-20101202ARTFIG00403--infrarouge-les-masques-de-gary.php
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Portrait non daté du romancier Romain Gary. | AFP/STAFF
L'après-midi du 2 décembre 1980, l'écrivain Romain Gary se glisse un revolver de calibre 38 dans la bouche et se donne la mort. Au pied de son lit, il laisse une note mystérieuse datée "Jour J" : "Aucun rapport avec Jean Seberg, y lit-on. Les fervents du cœur brisé sont priés de s'adresser ailleurs." Son ancienne épouse, la célèbre Patricia d'A bout de souffle (1959), de Jean-Luc Godard, s'est suicidée un an plus tôt, le 30 août 1979.
Dans La Promesse de l'aube, Romain Gary raconte qu'il a eu, par trois fois, la tentation de se tuer. A d'autres occasions, il expliquera qu'il n'a jamais voulu vieillir. "J'ai fait un pacte avec ce monsieur là-haut, vous connaissez ? J'ai fait un pacte avec lui aux termes duquel je ne vieillirai jamais", disait-il.
Romain Gary (à gauche), et son fils Diego, se recueillent dans le cimetière Montparnasse à Paris, lors des obsèques de l'actrice américaine Jean Seberg, le 14 septembre 1979. | AFP/JEAN-CLAUDE DELMAS
Aviateur, compagnon de la Libération, diplomate, l'écrivain avait de multiples facettes. Originaire d'une famille juive de Lituanie, il est l'auteur d'une mystification littéraire : en écrivant plusieurs romans sous le pseudonyme Emile Ajar, il est le seul écrivain à avoir reçu deux fois le prix Goncourt, en 1956 pour Les Racines du ciel, puis en 1975 pour La Vie devant soi.
Pendant sept ans, c'est son petit cousin, Paul Pavlowitch, qui prête ses traits à Emile Ajar, notamment auprès des éditeurs. La "supercherie" ne sera mise au jour qu'à la mort tragique de l'écrivain. Mais Romain Gary, né Roman Kacew à Vilnius en Lituanie en 1914, a également écrit sous les noms de Lucien Brûlard, Fosco Sinibaldi ou encore Shatan Bogat. Dans sa dernière lettre découverte à sa mort, cet homme "incendié de songes" conclut : "Je me suis enfin exprimé entièrement." Et signe : "Romain Gary".
Preminger et sa star enchaînèrent avec un autre film, tout aussi attendu et tout aussi raté : l’adaptation de «Bonjour tristesse», de la petite fiancée des lettres françaises, Françoise Sagan. Jean Seberg s’y fit quelque peu voler la vedette par Deborah Kerr et Mylène Demongeot. Mais entre-temps elle avait rencontré l’amour en la personne de François Moreuil, qu’elle épousera en 1958, juste avant le tournage d’«A bout de souffle». Quatre ans plus tard, elle avait déjà un deuxième mari.
Jean Dorothy Seberg fut retrouvée morte sur la banquette arrière de sa Renault avec à côté d’elle un dernier message. Sur une feuille de papier posée près d’un flacon vide de barbituriques on pouvait lire : « Pardonnez-moi je ne peux plus vivre avec mes nerfs.” L’actrice américaine qui était devenue militante en faveur des droits civiques est décédée à l’âge de 40 ans le 30 aout 1979, sa mort fut officiellement déclarée comme un suicide. Elle laissait derrière elle son fils unique, une carrière en perte de vitesse due aux campagnes de diffamation contre elle, et un mariage violent. Comment cette actrice, qui fut à une époque une véritable icône, est-elle devenue cette femme torturée et meurtrie ?
Seberg est née le 23 novembre 1938 à Marshalltown, Iowa, États-Unis. Sa carrière débuta timidement lorsqu’elle fut choisie lors d’un casting pour jouer le rôle titre dans un long métrage du réalisateur Otto Preminger. Elle joua le premier rôle dans le film “Sainte Jeanne” mais les critiques furent mauvaises. Preminger lui offrit une seconde chance de faire ses preuves dans son film suivant, “Bonjour Tristesse” qui fut tourné en France. C’est lors du tournage de ce film que Seberg rencontra son premier mari, François Moreuil. Elle décida par la suite de poursuivre sa carrière en France où elle passera le reste de sa vie.
Seberg fut une icône de la Nouvelle Vague. Son rôle le plus remarquable est celui de Patricia au côté de Jean-Paul Belmondo dans “Á Bout de souffle” de Jean-Luc Goddard. Le film lui apporta une popularité instantanée et la réputation d’être la meilleure actrice en Europe. Á l’inverse de la plupart des actrices de l’époque, elle offrait une image non conventionnelle d’un premier rôle féminin et choquait par sa coupe de cheveux à la garçonne et son jeu intrépide.
Seberg disparut de la scène cinématographique alors qu’elle était au sommet de sa carrière suite à la campagne de diffamation instaurée par le FBI. Parce qu’elle prenait part à divers mouvements communautaires militants, le gouvernement des États-Unis la calomnia en envoyant de faux rapports aux journaux et autres médias. L’attaque alla si loin qu’elle déclara que le père de l’enfant que Seberg portait était un membre du Black Panther Party.
L’état de santé mentale de Seberg déclina rapidement suite à ces diffamations de la part du FBI. Elle accoucha prématurément et son bébé mourut 2 jours après la naissance. Alors qu’elle était à l’époque mariée à Romain Gary, et pour prouver que son enfant n’avait aucun lien avec un membre du Black Panther Party, Seberg demanda à ce que le cercueil reste ouvert durant la cérémonie. Des années plus tard, le FBI publia des dossiers prouvant que Seberg avait bien été victime de diffamations.
Seberg se maria encore deux fois par la suite, d’abord à l’ambitieux réalisateur Dennis Barry, puis au violent Ahmed Hasni. Pendant le reste de sa carrière, Seberg continua à subir des effractions, surveillances de sa ligne téléphonique et harcèlements de toutes sortes. On dit qu’elle s’est suicidée le jour de l’anniversaire de la mort de son deuxième enfant.
L’actrice repose au cimetière de Montparnasse à Paris, France.
ÉCU a choisi Jean Seberg pour le Spotlight cette semaine parce que, comme la plupart d’entre vous cinéastes indépendants, Seberg était un artiste avec un message pour le monde. Elle étendu ses frontières en tant qu’une actrice et elle a contribué à la bonne volonté des causes lesquelles elle croyait. Quand le monde apparemment a conspiré contre elle, elle a contribué encore sa voix aux groupes des droits civils et s’est battu pour garder sa bonne réputation. Jusqu’à ce jour, Seberg reste une icône du cinéma nouvelle vague et une figure influente de son époque.
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- 29 November 2013
sources
http://www.ecufilmfestival.com/fr/jean-seberg/